Quelques mois avant de m’engager comme dominicain, mon supérieur vient me trouver : « Nous avons pensé à toi pour rejoindre les frères du Caire et te spécialiser dans l’étude de l’Islam. » Un silence suit, comme l’effet d’une détonation silencieuse. Après l’étonnement, l’évidence : bien sûr, c’est là-bas que je suis attendu. Partir dialoguer, simplement parce qu’il le faut, parce que le monde en a besoin.

Jésus, en ce dimanche des Rameaux, envoie deux disciples au dialogue comme on envoie au combat, avec ce conseil : « Si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : “Le Seigneur en a besoin.” » Et ils partent dialoguer, simplement parce qu’il le faut, parce que Jésus en a besoin.

De quoi a-t-il d’ailleurs besoin ? D’une ânesse, qu’il aurait pu aller lui-même chercher ? Ou plutôt de paroles échangées : entre Jésus et ses disciples, entre ces derniers et le propriétaire de l’ânesse, entre le prophète Zacharie et la « fille de Sion », entre les foules et la ville ? Tout n’est que paroles. Même les gestes parlent : manteaux et palmes jetés au sol proclament l’arrivée du messie, ce sauveur tant attendu.

En ce jour des Rameaux, la parole s’échange dans toute la création, entre Dieu, son Fils, les hommes et les femmes. Même les animaux et les végétaux sont associés dans la grande symphonie du jardin d’Éden. Ce dialogue culminera au soir du Jeudi saint, lors du lavement des pieds et de la fraction du pain.

Mais la Parole se brisera, la Parole sera mise en croix. Jésus se tait, car on ne l’écoute plus. La foule s’époumone pour ne plus rien entendre. Un dernier cri de Jésus sonne comme l’aveu d’un échec. Que reste-t-il du dialogue que Dieu voulait instaurer avec l’humanité ?

La bonne nouvelle, c’est que la Parole n’est pas morte. Au matin de la Résurrection, certains l’ont entendue. Dieu reprend le dialogue, aussi neuf qu’au premier jour. Notre mission ? Partir dialoguer, simplement parce qu’il le faut, parce que le Seigneur en a besoin.